Résoudre les différends avec les nations autochtones participantes : le processus d'évaluation environnementale en Colombie-Britannique
- Murray Rankin, KC
- 28 mai
- 4 min de lecture
La mission du CCAME est claire :
Mettre à disposition l'expertise des principaux avocats canadiens en droit de l'environnement afin de favoriser la résolution rapide et confidentielle des différends environnementaux.

Cependant, de plus en plus de conflits environnementaux soulèvent des enjeux liés aux droits et titres ancestraux. Les droits des peuples autochtones, protégés par la Constitution canadienne, sont fréquemment en jeu.
Existe-t-il un moyen de respecter pleinement ces préoccupations tout en tirant parti des avantages de la médiation et d'autres formes de résolution de conflits, en particulier dans les différends touchant les terres et les ressources naturelles ?
Le CCAME croit que oui.
Comme l'indiquent Roshan Danesh et Jessica Dickson dans leur article de 2015 “Alternative Dispute Resolution and Aboriginal-Crown Reconciliation in Canada” :
La réconciliation entre les peuples autochtones et la Couronne, et plus largement entre les populations autochtones et non autochtones, est l'un des défis juridiques, sociaux, politiques et économiques les plus importants du Canada. En plaçant la réconciliation au cœur de l'ordre public et de la jurisprudence constitutionnelle, le système juridique canadien ouvre la voie à un développement approfondi des méthodes de résolution alternative des conflits. (...) Pourtant, les tribunaux demeurent la voie centrale de résolution des conflits portant sur les droits autochtones. Et, malgré plusieurs initiatives utiles, le recours aux mécanismes alternatifs reste relativement limité.
Jusqu'à présent, l'histoire de la médiation et des mécanismes alternatifs dans le cadre des évaluations environnementales demeure restreinte.

La Loi fédérale actuelle sur l'évaluation d'impact ne contient plus les dispositions explicites sur la médiation prévues dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 1992. Elle fait toutefois référence aux peuples autochtones à plusieurs reprises.
Un exemple de médiation sous l'ancienne législation concerne le projet portuaire de Sandspit, sur Haida Gwaii (CB), où la nation Haida a été fortement impliquée dans une médiation multipartite.
Des lois provinciales, dont celle du Québec, prévoient aussi la médiation, tout comme d'autres provinces et territoires. Toutefois, leur application reste marginale, et peu font mention explicite des peuples autochtones.

La Loi sur l'évaluation environnementale de 2018 de la Colombie-Britannique fait figure d'exception.
Il s'agit d'une législation pionnière, la seule au Canada (en dehors du fédéral) à mentionner à la fois la "médiation" et les "peuples autochtones".
Elle repose sur la recherche de consensus avec les "nations autochtones participantes" potentiellement touchées par les projets.
Les Premières Nations détentrices de droits et titres bénéficient de droits constitutionnels en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
L'article sur les objectifs de la loi déclare notamment :
support reconciliation with Indigenous peoples in British Columbia by
appuyer la réconciliation avec les peuples autochtones en mettant en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA),
reconnaître la compétence inhérente des nations autochtones et leur droit de participer à la prise de décision par des représentants de leur choix,
collaborer avec les nations autochtones sur les projets examinés,
reconnaître les droits des peuples autochtones confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Conformément à l'article 16;
le directeur de l'évaluation environnementale doit rechercher le consensus avec les nations autochtones participantes avant d'exercer certains pouvoirs.
Si le processus de recherche de consensus échoue, l'article 5 permet aux parties de recourir à un "facilitateur indépendant de résolution des différends".
En juillet 2024, un règlement innovant a été adopté pour mettre en œuvre cette disposition.
Le délai légal de traitement est suspendu pendant 90 jours pendant le processus de résolution, ce qui n'est pas le cas pour les autres parties.
Avant l'adoption du règlement, les tentatives de résolution étaient longues et peu satisfaisantes.
La volonté d'obtenir un "consentement libre, préalable et éclairé", tel qu'énoncé dans la loi canadienne sur la DNUDPA, est au cœur du processus. Il a été co-conçu avec les dirigeants autochtones, et le cadre de résolution des conflits reflète cette co-construction.

Le Conseil des leaders des Premières Nations de la C.-B. a participé à l'élaboration du règlement, tout comme plusieurs nations spécifiques. Un modèle plus judiciaire a été rejeté, bien que la présence d'avocats puisse parfois donner une impression plus contradictoire que prévu.
Le règlement laisse volontairement une grande latitude au facilitateur. Comme dans tout processus de médiation, des rencontres bilatérales ou en "caucus" peuvent avoir lieu, avec l'accord de tous.
Le modèle reste fondé sur les intérêts, visant à sortir des postures adverses et à abaisser la tension pour explorer les véritables enjeux et favoriser une résolution collaborative.
Cela dit, les droits autochtones sont sui generis : des visions du monde fondamentalement différentes peuvent s'affronter, et l'accommodement reste complexe en contexte interculturel.
Pourtant, la médiation et les modes alternatifs ont un rôle essentiel à jouer comme outils-clés vers la réconciliation au Canada.
Comme l'a affirmé la Cour suprême du Canada :
La véritable réconciliation se réalise rarement, voire jamais, devant les tribunaux.
Bien que le nouveau règlement de la C.-B. soit récent, il présente un potentiel prometteur pour la résolution de certains conflits environnementaux.
Espérons qu'il inspirera l'utilisation de la médiation dans d'autres contextes et juridictions impliquant les peuples autochtones.
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